La seconde main : statut et acteurs par secteur
Instinctivement quand nous pensons au marché de la seconde main, nous l’associons au marché du textile. Cette idée n’est pas étonnante car dès le Moyen-Âge, nous constatons l’apparition des premières friperies. Aujourd’hui, cela a bien changé : nous vous proposons donc un tour d’horizon de la seconde main par secteur.
Tout d’abord, une définition. La seconde main est le fait d’obtenir ou d’utiliser un article alors que celui-ci a déjà été possédé par une autre personne. Cela permet ainsi d’augmenter sa durée d’usage.
Ces nouvelles habitudes de consommation se sont accélérées durant la crise sanitaire de 2020. Le contexte actuel inflationniste contribue à les ancrer de plus en plus. La logique d’acquisition plus responsable et respectueuse de l’environnement devient plus spontannée. Pour preuve, la récente étude Tripartie sur le sujet affirme que 46% des Français ont acheté au moins un produit d’occasion au cours des 12 derniers mois. En France, on estime ce marché à plus de 7 milliards d’euros. Ces transactions entre consommateurs s’accélèrent notamment grâce à des plateformes telles que Vinted, Leboncoin, Facebook Market Place ou encore Geev.
Alors, quels sont les secteurs de la seconde main qui sont le plus représentés aujourd’hui ? Quels sont ceux qui ont vocation à se développer et quels sont les challenges auxquels ils sont confrontés ? Nous vous proposons de parcourir les principaux secteurs concernés (la liste n’étant pas exhaustive).
LE TEXTILE RETOURNE VERS LA SECONDE MAIN
La seconde main dans le secteur du textile est une habitude vieille de plusieurs centaines d’années. En effet, la création des premières friperies remonte à la fin du XIVème siècle. Elle a pris ces dernières années une ampleur considérable. L’étude Tripartie révèle que 70 % des consommateurs ont déjà acheté des vêtements et/ou accessoires de seconde main.
La seconde main est vantée par la nouvelle génération sur les réseaux sociaux. Elle devient un acte militant au service d’une mode durable. Et pour cause : l’industrie de l’habillement est l’une des plus polluantes au monde. Elle est responsable de 10% des émissions de gaz à effet de serre mondiaux. Si les tendances actuelles se poursuivent, le secteur textile émettrait 26 % des émissions en 2050, d’après l’ADEM.
Aujourd’hui beaucoup de plateformes permettent de faciliter les transactions entre particuliers, comme Vinted, Leboncoin, Vestiaire Collective, Vide Dressing, Depop… et ça fonctionne ! Vinted à elle seule comptabilise en France 23 millions d’inscrits et atteint 265 millions d’euros de chiffres d’affaires.
Ce nouveau modèle économique, les marques l’ont bien compris et il est dans leur intérêt de le développer. Au-delà de l’intention de redorer leur image, c’est aussi l’occasion de contrôler la circularité des pièces, tout en gagnant et fidélisant de nouveaux clients sensibles à ces initiatives. Actuellement, de nombreuses enseignes connues telles que Sandro, The Kooples, Aigle, Petit Bateau, Balzac ou COS proposent ces services à travers des stands dédiés en magasin ou une offre sur leurs sites internet.
Entre 2010 et 2020, 5% du marché de l’habillement était de l’occasion. Bien qu’en accélération rapide, on note le chemin qu’il reste à parcourir.
LE LUXE
Du coté des particuliers et des marques, la tendance de la seconde main dans le textile et la mode de ne cesse de croître. On retrouve d’ailleurs cette même dynamique du côté de certaines prestigieuses maisons de luxe. Si vous souhaitez en savoir plus, consultez notre article sur la seconde main dans le secteur du luxe.
L’AUTOMOBILE DE SECONDE MAIN RESISITE MALGRE LA HAUSSE DE L’ELECTRIQUE
En France aujourd’hui se vendent trois véhicules d’occasion contre un véhicule neuf. Après une année record en 2021, la demande s’est stabilisée. D’après Leboncoin Publicité, la sous-catégorie voiture en 2022 cumule 87 millions de visites, un nombre similaire à celui l’année précédente. Dernièrement, en grande partie à cause de la pénurie mondiale de semi-conducteurs, le marché du neuf a été impacté, se répercutant à son tour sur celui de l’occasion. En 2 ans, on a observé une augmentation de + 30% des prix.
Mais malgré ce contexte, l’intention d’acheter des véhicules d’occasion persiste et s’étend du côté de l’électrique. Ainsi, il est maintenant possible d’obtenir un bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique d’occasion. Ce bonus s’élève à 1000 euros et certaines villes proposent des aides supplémentaires.
Ce marché émerge timidement mais il semble se développer car les constructeurs innovent. Renault a créé un label spécifique dédié aux voitures d’occasion électriques appelé Renew électrique. Depuis deux ans cette nouvelle offre est proposée avec la vente de véhicules d’occasions multi-marques, reconditionnés et certifiés, électriques, hybrides, essence ou diesel. De son coté, Tesla met à disposition le reliquat de garantie constructeur sur le moteur et la batterie au moment de la vente en occasion. Ces initiatives contribuent donc elles aussi au développement du marché du véhicule d’occasion.
LA TELEPHONIE ET L’ELECTRONIQUE
Dans la téléphonie, la seconde main a de l’avenir. 37% des Français interrogés ont acheté un smartphone reconditionné en 2022 et 62% ont déjà ou sont prêts à le faire. Pour cause, les prix sont de moins en moins abordables, la valeur des produits baisse très vite, et les subventions chez les opérateurs ont tendance à disparaitre.
Cependant, des freins à l’acquisition se font sentir quant à la durée de vie du produit et la fiabilité ou la baisse de performance des appareils. C’est pour cela que la majorité des transactions passent par les reconditionneurs tels que Back Market, Vente du diable, Recommerce ou encore reBuy. Cela permet de « sécuriser » la revente car une différence existe entre la vente d’occasion et le reconditionné. Le second implique des étapes de vérification du produit, du nettoyage du matériel, la mise à jour des logiciels, et dans certains cas le changement de la batterie.
Du côté de l’électroménager, la vente de reconditionné est aussi une pratique qui se répand. Le distributeur rachète des produits qui sont en état de fonctionnement, il effectue un test technique complet et les propose à la revente. Les grandes enseignes telles que Darty, Fnac, Boulanger… proposent à présent cette possibilité d’achat en magasin, toujours dans le but d’acquérir une nouvelle clientèle et développer son offre.
Mais il y a encore du chemin à parcourir car le consommateur a besoin de se rassurer et d’avoir des garanties surtout pour ce qui est de l’électronique plus généralement. En effet, 33% des français qui n’ont pas encore acheté de produits reconditionnés disent avoir peur de la qualité et de possibles pièces défectueuses.
LA SECONDE MAIN FAIT SENS POUR LA PUERICULTURE
Déjà entre 2010 et 2020, la puériculture représentait 20% du poids des achats d’occasion sur les principaux marchés d’occasion. Cette tendance de revente poussettes, landeaux, tables à langer et de mode enfantine continue d’augmenter. En moyenne, un enfant coûte 490 euros par mois à ses parents. Pour limiter les frais, beaucoup sont prêts à investir en grande partie dans la seconde main. De plus, les articles que l’on retrouve à la vente sont pour beaucoup utiles quelques mois dans la vie du bébé, ce qui motive cette décision d’achat-revente entre particuliers.
Si certains produits d’occasion pour bébé sont intéressants à acheter d’un point de vue écologique et économique, certains sont à éviter pour des raisons de sécurité. Par exemple un siège auto peut s’avérer dangereux à utiliser si celui-ci a déjà reçu des chocs par le passé. Aussi, il n’est pas recommandé d’acheter des jouets pour le bain qui sont restés à stagner dans l’eau. Ils ont pu développer des bactéries.
Des plateformes spécialisées dans le domaine telles que Beebs et de Môme en Môme ont émergé et certaines marques comme Petit Bateau et Lady Cocotte proposent ce service.
L’AMEUBLEMENT DE SECONDE MAIN POUR GAGNER EN CONFORT
Du côté de l’ameublement, la seconde main gagne aussi du terrain ces dernières années. Il pèse près de 10% de celui du neuf selon l’Institut de Prospective et d’Etudes de l’Ameublement (IPEA). Cette tendance s’explique notamment par l’explosion des prix de production. En effet, celle-ci a une incidence directe sur les prix de vente des produits. Aussi, le foyer reste l’une des priorités pour les ménages. Les consommateurs ne cessent de vouloir améliorer leur confort, et ce encore plus depuis le confinement. Si cela passe parfois par un investissement couteux, la seconde main est une bonne alternative à ces besoins.
En matière de seconde main dans le mobilier, nous connaissons tous Leboncoin et les boutiques de brocanteurs. Néanmoins, d’autres initiatives se développent, telles que Youzd, Reborn ou Etsy. Les distributeurs eux-mêmes tentent des nouveautés. C’est notamment le cas dans le secteur du textile, les grandes entreprises ont compris qu’elles avaient un rôle à jouer. C’est le cas du géant de l’ameublement IKEA qui propose depuis 2014 la reprise des produits en magasin contre des bons d’achats et la remise en vente dans un espace dédié.
Egalement, des partenariats entre enseigne et site de seconde main émergent. Nous en avons l’illustration avec Gautier, le premier fabricant de mobilier en France à proposer à ses clients de vendre leurs anciens meubles sur une marketplace nommée Izidore. Cette start-up détient la technologie et l’expertise du marché, et les accompagne dans le processus de revente. La prise en charge va de la fixation du bon prix de vente jusqu’à la livraison chez l’acheteur. Gautier fournit à la plateforme toutes les caractéristiques du meuble en question, ce qui facilite aussi la publication du produit.
LE SPORT
La consommation de seconde main dans le sport s’inscrit notamment dans une logique de protection de l’environnement. Pour ce qui est des amateurs des activités outdoor, 87% considèrent important l’aspect du développement durable au cours de leurs achats de matériel selon le dernier rapport Deloitte & OutDoor by ISPO. Cela prouve l’importance du développement de ce secteur.
Là aussi, les enseignes les plus connues (Le Vieux Campeur, Décathlon…) ont pris part à l’offre de seconde main. Décathlon a créé une plateforme d’achat-revente d’occasion en ligne, ainsi que des rayons dédiés à la seconde main en point de vente, notamment pour les vélos.
Il aura fallu attendre 2021 pour que deux start-up s’y intéressent : il s’agit de Campsider et Barooders. L’avantage de ces plateformes est l’accès aux descriptions détaillées des produits, en fonction des caractéristiques techniques. Les produits vendus sont vérifiés en amont par des experts afin de visualiser les éventuels défauts et sont refusés s’ils ne sont pas conformes. Cette méthode garantie l’achat de matériel de qualité et rend le choix des équipements plus facile pour les consommateurs.
Au-delà des plateformes en ligne, le réseau Recyclerie Sportive a été créé en 2015 et compte une dizaine de points de vente en France. Il fait partie du groupe Emmaüs. Fonctionnant sur le modèle associatif, ils collectent, réparent, et testent les articles. Ils réalisent également de la sensibilisation auprès des clubs et des ateliers pour transformer les équipements sportifs ne pouvant être revendus.
EN CONCLUSION
Poussées par l’évolution des attentes des consommateurs et le poids de plus en plus fort du législateur, les marques innovent accompagnées, voire bousculées, par des start-up. Dans tous les domaines, le poids de la seconde main augmente. S’il y a quelques années, la seconde main était vu comme une cannibalisation de son marché neuf, elle commence à être vue comme une nouvelle source de développement. Dès lors, comment faire en sorte d’adapter les business model et les empreintes industrielles et logistiques à cette nouvelle donne ?