Fret ferroviaire, une bonne idée ?
La décarbonation est un sujet d’actualité : son application au transport n’est pas une exception ! Sur le plan sociétal, les déplacements en avion sur de courtes distances font de plus en plus débat. L’utilisation du train est quant à elle encouragée. Cela s’observe concrètement par les sujets autour de l’interdiction de l’avion si une alternative en train existe pour les trajet de moins de 2h30. Mais qu’en est-il de l’utilisation du rail pour le transport de marchandises ?
Ce secteur est l’un des plus polluants. Le fret a emis 56 Mt CO2 eq. en 2021 et contribue pour 13 % aux émissions nationales de GES . En France le transport intérieur de marchandises est réparti entre trois modes : la route à 89 %, le train à 9 % et le fluvial à 2 % en tonne-kilomètre en 2021 . Dans le milieu des années 70 la part du train était autour de 50%.
Pourtant l’utilisation du train pourrait contribuer à atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 sur lequel le gouvernement souhaite s’engager. Le rail possède de nombreux avantages mais également des faiblesses qu’il faut prendre en compte.
Décarboner : oui, mais pas seulement
Tout d’abord le ferroviaire permet de diviser par 9 les émissions de CO2 par tonne-kilomètre en comparaison avec le transport routier. En plus d’être moins polluant, le train possède un avantage conséquent en termes d’efficacité énergétique : on estime qu’il consomme six fois moins d’énergie que la route pour un même chargement. De plus, en France, le réseau électrique, relativement décarboné, alimente une partie des trains. Aussi, même si certaines locomotives utilisent encore du gazole, l’utilisation du rail plutôt que du camion permettrait de limiter l’impact de la hausse des prix du pétrole. Outre l’aspect énergétique, un transfert du transport routier vers le ferroviaire contribuerait à décongestionner les routes et à diminuer la pollution sonore. Un élément supplémentaire affaiblit le transport routier aujourd’hui : la pénurie de chauffeurs. La fluidité des chaines d’approvisionnement est menacée et le rail apparaît comme un moyen possible de contourner cette problématique.
Ainsi la force du train ne se limite pas à son impact positif en termes d’écologie. On peut donc se demander pourquoi le train est si peu employé pour le transport de marchandises.
Les faiblesses du train
La principale faiblesse du train est son manque de flexibilité et d’efficacité. Alors que le juste-à-temps et la réduction des délais motivent aujourd’hui les stratégies logistiques, le transport de marchandises par rail est plus long que le transport routier d’un à trois jours. Le taux de retard est également plus élevé. Ce manque de fiabilité s’explique notamment par les ruptures de charge fréquentes dans le ferroviaire. Par exemple, on peut avoir besoin de temps pour massifier de petits volumes. Une autre cause est l’insuffisance des sillons alloués. Ce sont des créneaux d’autorisation de circulation. Ils sont en effet en concurrence avec le transport de voyageurs d’une part et les travaux d’autre part. De plus ces délais rendent le train inutilisable pour certains types de marchandises comme le frais par exemple.
Une autre faiblesse du train est qu’il ne peut pas s’appliquer à tous les types de flux. Par exemple on observe depuis plusieurs années une tendance de réduction des quantités liée au développement de petits magasins dans les centres-villes. Or le train est inexploitable sur ce segment, les quantités ainsi que les distances étant trop faibles.
Un troisième frein au développement du fret ferroviaire est la vétusté du réseau, aussi bien d’un point de vue physique que numérique. Les infrastructures sont vieillissantes et peu adaptées aux nouveaux gabarits. Une autre amélioration se trouve au niveau de la signalisation du réseau. Côté digital, le fret ferroviaire est en retard également. Or le développement de certains usages sont indispensables pour booster la filière : outil de remplissage des trains en dernière minute, plateforme de suivi en temps réel des heures d’arrivée des trains, centralisation des données…
Ces différents éléments rendent le train peu compétitif a priori vis-à-vis de la route. Ainsi la tonne kilomètre transportée coûte en moyenne 1,7 fois plus cher sur le rail que sur la route. Toutefois dans certains cas que nous explicitons ci-dessous cette tendance s’inverse et le train peut devenir très avantageux.
Exploiter les atouts de la filière
Tout d’abord le rail est performant sur les longues distances et les grandes quantités. La situation idéale se présente lorsque l’expéditeur possède une ITE (installation terminale embranchée) et peut ainsi remplir des trains entiers qui iront directement à l’expéditeur. Dans le cas où les volumes ne sont pas assez importants il existe deux possibilités pour que le train soit efficace :
1. Soit l’entreprise expéditrice est proche de lignes existantes et peut ainsi massifier sa marchandise dans le réseau.
2. Soit, si l’entreprise est suffisamment proche d’un terminal rail-route, elle va pouvoir opter pour le multimodal rail-route et va venir charger un conteneur sur un camion avant qu’il soit transporté sur rail.
On comprend donc qu’il est indispensable d’actionner certains leviers, d’aménagement du territoire notamment, pour augmenter la compétitivité du rail. Or ces investissements sont prévus par le gouvernement dans le cadre de la loi Climat. L’objectif est de doubler la part modale du ferroviaire d’ici 2030. Dans ce but un plan d’aide de 170 millions d’euros par an jusqu’en 2024 pour le fret ferroviaire a été mis en place. Les objectifs du plan sont tout d’abord d’améliorer la performance du réseau qui passera par la réduction de l’impact des travaux sur le réseau et la simplification de l’accès aux sillons. Ce plan permettra également de développer les différents segments avec le soutien aux activités de « wagon isolé », transport combiné et autoroutes ferroviaires. Enfin le troisième axe du plan a pour but la modernisation et la digitalisation du réseau.
Qu’en est-il de l’étranger ?
En Europe, la part modale du fret ferroviaire est assez faible. Toutefois quelque pays se démarquent avec une part autour de 40% : l’Autriche notamment qui possède l’atout géographique d’être au centre de l’Europe. De plus en plus d’initiatives voient le jour, notamment pour le ferroutage. Ainsi on observe le développement d’autoroutes ferroviaires à travers l’Europe qui permettent le transport de conteneurs par le train sans création de nouvelles lignes. Cette option est particulièrement appropriée dans le cas des longues distances.
Aux Etats-Unis le fret ferroviaire prédomine devant les autres modes. Il représente environ 40% du transport. D’importants investissements sont faits afin d’entretenir les infrastructures et un plan de modernisation de 165 milliards de dollars a récemment été lancé par Joe Biden.
Conclusion
Finalement dans le contexte actuel de crise climatique et de pénurie de chauffeurs, le renforcement de la filière ferroviaire pour le transport de marchandises semble judicieux pour une partie des flux de transport. Toutefois son développement ne pourra pas se faire sans d’importants investissements notamment de modernisation et d’aménagement du territoire afin de développer les multimodalités.
Quelques liens pour poursuivre vos recherches
EN FRANCE, LE FERROVIAIRE GAGNERAIT EN COMPÉTITIVITÉ PAR RAPPORT À LA ROUTE… – Fret 4F
Reducing CO2 emissions through new rail freight choices – Global Railway Review