Comment gérer son stock mort ?
Jean-Baptiste, magasinier depuis 20 ans dans l’entrepôt, vient de finir ce que Sasha, sa responsable, lui a demandé : déplacer 38 palettes au dernier étage de l’allée la plus éloignée de la zone de préparation. La couche de poussière sombre et épaisse cache même le code barre des produits ! Ces références n’ont pas tourné depuis plusieurs années : il s’agit de stock mort, ou dormant. Probablement ne tourneront-ils plus jamais.
Ce n’est pas faute d’avoir prévenu. Cela fait 12 mois que Sasha analyse ces stocks morts par manque de place dans son entrepôt pour les nouveautés. Les réunions, analyses, négociations diverses n’y auront rien fait. Ni le commerce, ni le développement produit, ni la finance n’ont voulu trancher et mettre ces palettes au rebut. La direction des opérations hésite, on pourrait en avoir besoin au cas où. La finance n’est pas complètement satisfaite avec la dépréciation à faire. Même la direction générale ne veut rien savoir, ce n’est pas un sujet stratégique.
Et pourtant Sasha ne va pas avoir le choix. Avec le prévisionnel d’activité logistique, elle va devoir mettre en place un entrepôt de débord. Pourtant, 15% de son stock pourrait être éliminé. Cette situation vous rappelle quelque chose de familier ? Ce n’est pas surprenant puisque le stock mort ou dormant peut représenter, dans certaines industries, jusqu’à 50% de la valeur du stock total. Il existe néanmoins des moyens de se prémunir contre la création de stock mort. S’il apparaît pourtant, il est possible de mieux le gérer.
Anticiper pour éviter le stock mort
Comme souvent, en Supply Chain, l’ensemble des éléments de la chaîne de valeur peut générer un aléa, en l’occurrence du stock mort. Il est donc possible de trouver des pistes d’amélioration à chaque niveau :
- Achat. On pense à la négociation des minimums de commande. Un TCO (total cost of ownership) intégrant les dépréciations et obsolescences permet de juger de l’opportunité de travailler ou non la MOQ par rapport à la couverture engendrée.
- Approvisionnement. Le travail de la couverture de stock est évidemment plus simple pour les références à fort volume et régulières qu’erratiques et de classe C. Il n’empêche que l’analyse des stocks morts donne des résultats surprenants sur les classes et les volumes des pièces. Travailler sur le cycle de vie des produits avec les approvisionnements permet d’éviter les stocks morts, ne le négligez pas.
- Prévision. La prévision est une cause importante de stock mort. Améliorer la prévision, intégrer du machine learning et de l’IA sont des pistes intéressantes. Se désensibiliser de la prévision avec des systèmes en flux tiré (ex : DDMRP) ou en changeant son modèle supply (point de découplage) en sont deux autres, nécessitant une transformation plus importante mais avec des résultats particulièrement prometteurs.
- Modèle Supply Chain. Nous avons déjà abordé la question des points de découplage. De manière générale, il faut retarder au plus tard l’attribution ou l’allocation des références. Ainsi, pour éviter des stocks morts, si la Supply Chain envoie vers les entrepôts de différents marchés, il est préférable de retarder l’envoi vers ceux-ci, notamment grâce à des quantités plus petites et plus régulières. Cela permet d’éviter les déséquilibres entre marchés, avec certains en surstock et d’autres en rupture.
- Commerce et service client. Adapter la promesse client (délai de livraison, quantité sur stock, etc.) à la réalité de la référence (son lead time d’approvisionnement, son caractère erratique, son minimum de commande, sa fréquence de sortie, etc.) est impératif pour éviter les surstocks. Privilégiez des promesses ambitieuses pour les références de classe A avec de la visibilité sur le cycle de vie des produits.
Gérer le stock mort
Pour bien gérer les stocks morts, il faut d’abord les rendre visibles. On peut déployer des indicateurs, créer des rituels de pilotage et de coordination multi-services, réaliser des analyses. Il faut ensuite se fixer des objectifs et une ambition, ainsi que des moyens et des processus. Qui a le droit de décider de la mise au rebut ? Jusqu’à quelle valeur ? N’oubliez pas enfin qu’il est nécessaire d’analyser les causes racines du stock mort. Cela permet de trouver des actions à mettre en œuvre pour prévenir une récidive potentielle.
La dépréciation du stock mort présente un avantage dans les environnements de distribution : elle incite à vendre avec une décote ce qui peut relancer l’écoulement du stock. De manière générale, toute solution permettant l’écoulement de ce stock, notamment si cela peut générer un chiffre d’affaires, est à mettre en œuvre : si l’on peut avoir l’impression de perdre de l’argent, c’est de toute façon préférable à faire stagner le stock des années avant de se résoudre à le détruire.
Des processus peuvent être mis en place, en fonction des secteurs, avec le bureau d’étude pour l’utilisation de vieilles matières dans un nouveau produit, le marketing pour la mise en avant de certaines références, les achats pour la reprise du stock par le fournisseur, la communication pour l’utilisation de ces références dans des événements en cadeau clients. D’autres entreprises dans des secteurs connexes pourraient également être intéressées.
Si finalement, vous n’avez d’autre choix que de vous débarrasser de ces références, n’hésitez à regarder l’opportunité d’offrir à des personnes intéressées : banque alimentaire, associations, universités et écoles. Cela permet de limiter l’impact RSE de ce surstock et d’améliorer l’image de l’entreprise.
Il y a stock mort… et stock mort
Il existe évidemment de nombreux types de stocks morts. Dans le monde des pièces de rechange, une partie non négligeable du catalogue peut être immobile plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années. Cette vision relative est également vraie dans la définition même du stock mort : combien de mois d’inactivité permettent de déduire l’état de ce stock ?
Dans tous les cas, il existe de très nombreuses pistes d’amélioration concernant le stock mort. La collaboration entre services est la clé de la réussite de l’amélioration de sa gestion, de la finance au marketing en passant par les achats. Alors, il ne reste qu’une chose à faire : lancez-vous !
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Pourquoi en pilotage des stocks, l’analyse ABC ne suffit pas… – Findle